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. Les manifestations du sentiment d'abandon Le sentiment d’abandon Il est très répandu. Il nous concerne tous. Dès qu’une personne en psychanalyse accepte d’exprimer ses ressentis, ses rêves et ses cauchemars, ses détresses profondes, elle en vient - d’une façon ou d’une autre - à parler de ses craintes ou de ses vécus d’abandon. Il est nécessaire de distinguer un « ressenti » d’une « impression ». Une impression, « je crois que, il me semble que, je suppose que », correspond à une interprétation, une certaine lecture de la réalité en fonction d’un filtre imaginaire (croyance personnelle, mythologie familiale, convention sociale, théorie psychologique ou sociale, idéologie politique ou religieuse). Il présente de nombreuses facettes : se sentir seul, délaissé, perdu, rejeté, exclu, etc. Il se manifeste de façon très variée : angoisses, peurs de la solitude, de ne pas être accepté, de ne pas être aimé, volonté de fusion avec l’autre, jalousie, colères irrépressibles, besoin de reconnaissance, susceptibilité, se sentir victime des autres, se dévaloriser, aller d’écher en échec, être dépendant (d’une personne, d’une idéologie, d’une substance). Il prend souvent sa source dans l’enfance, lorsque le petit humain a tellement besoin d’une présence vivante de l’autre à ses côtés et d’échanges de paroles vraies qui lui soient adressées personnellement. Les réalités de l’abandon sont, elles aussi, très diverses. Elles ne concernent pas que la mort d’un proche ou la rupture sentimentale. Un homme d’une soixantaine d’années vient me parler depuis quelques mois. Il a bien réussi sa vie professionnelle. Il est père de plusieurs enfants qui vont bien. Il habite une maison qu’il aime dans un environnement de nature qui lui correspond. Pourtant, cet homme est très angoissé. Il a peur d’être abandonné. Il me parle de « souffrance aigüe ». Quelques séances plus tard, il me confie : « la rupture violente entre mes parents a créé un abîme sur lequel je n’arrive pas à jeter un pont ». Son père est parti lorsqu’il avait cinq ans. Il ne l’a pas revu pendant plus de quarante ans… Le film Mères et filles de Julie Lopes-Curval (2009) explore les réalités croisées de l’abandon et de ses conséquences sur trois générations de femmes. Louise (la grand-mère) a disparu lorsque Martine (la mère) avait neuf ans. Martine s’est exclusivement consacrée à son métier. Audrey, la fille de Martine, a fait la même chose que sa mère, en partant à l’autre bout du monde. Elle ne parvient pas à construire une relation amoureuse durable. Enceinte, elle ne se sent pas capable de porter un enfant et de devenir mère. Elle revient en France voir ses parents. Lors d’une dispute entre Martine et Audrey, c’est curieusement la mère, Martine, qui va reprocher à sa fille, Audrey, de l’avoir abandonnée. Martine n’a jamais pu dire à Louise, sa propre mère, ses ressentis d’abandon, elle ne peut que les adresser à sa fille, qui est là face à elle, et qui est simplement partie vivre et travailler à l’étranger… Comment le dépasser ? D’abord sentir et exprimer ses émotions ; celles d‘hier autant que celles d’aujourd’hui. Il est nécessaire de reconnaître sans honte les moments où nous nous sentons abandonnés et d’accepter que nous soyons plus fragiles dans ces cas-là. Il s’agit d’un vécu humain et non d’une maladie. Enfin, comment nous sommes-nous défendus ou protégés face à ces détresses ? Ces défenses ne sont plus nécessaires aujourd’hui. Comment accepter de les quitter, de changer de fonctionnements, de regard sur soi-même, sur les autres et sur la vie ? Comment développer, face aux réalités actuelles, des initiatives créatives pour être plus et exister autrement ? Au-delà, il est possible de (re)trouver sa créativité : la pratique d’un art, le jardinage, la relation aux animaux ou à la nature, un engagement humain (social, humanitaire, sportif). Une personne qui a été abandonnée va-t-elle abandonner à son tour ? Par ailleurs, le plus souvent, avoir été abandonné fait craindre de l'être de nouveau, et cette crainte devenue angoisse peut provoquer d'autres abandons. Certes, par manque de mémoire du traumatisme vécu enfant, certains vont reproduire leur propre abandon, en le mettant en scène avec d'autres, pour se le remémorer ou en devenir maître, ou encore tenter de comprendre ce que cela fait (à soi et à l'autre)... Existe aussi le sentiment d’avoir abandonné… Saverio Tomasella
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Caractéristiques de l'ouvrage Titre : Le sentiment d'abandon
Par Saverio Tomasella, Psychanalyste . |
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