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Pour Sigmund Freud, il y avait trois métiers " impossibles " : gouverner, éduquer, psychanalyser.
Qu'attend-on de la présence d'un psychanalyste dans une entreprise ? Que suppose-t-on du recours qu'on en fait ? Que peut donner le face à face du psychanalyste et du manager ? Autant d'interrogations qui amènent à un questionnement plus radical : en quoi l'éthique est indissociable de toute démarche (inter)subjective ?
I. contexte et principales écoles
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I.1 Retour aux origines
Dès 1921, dans " Psychologie des foules et analyse du moi ", Freud s'intéresse au fonctionnement des institutions, à travers les organisations sociales religieuses et militaires. Il met en évidence l'esprit de corps qui soude les membres de toute institution et de l'idéalisation du meneur ou du chef. " La foule est impulsive, écrit-il, mobile, irritable. Elle est conduite presque exclusivement par l'inconscient. […] elle ne supporte aucun délai entre son désir et la réalisation de ce qu'elle désire. " Autant dire que l'individu y régresse à un stade narcissique archaïque. L'union du groupe se cimente grâce au déni de tout sentiment ambivalent et au rejet de la haine, projetée à l'extérieur sur un ennemi potentiel ou sur les personnes ou les groupes qui ne partagent pas le même idéal. (cf. " Les phénomènes de groupe ")
En 1927, avec " L'avenir d'une illusion ", s'invente un essai de séparation du religieux et du culturel. Si la culture est source de douleur pour l'être humain puisqu'elle impose une répression des pulsions pour favoriser la vie en société, la culture est aussi, principalement grâce à l'art, un support de sublimation des pulsions. Le fait religieux, fondé sur une trame d'illusions et de croyance, maintient l'individu dans une position infantile, soumise au père idéalisé et consolateur. La recherche scientifique (la psychanalyse en particulier) est peut-être aussi une autre forme d'illusion, mais elle peut se transformer et évoluer en fonction de son rapport à la réalité et d'une réflexion non interrompue. Freud avance cette conclusion : " […] le problème d'une complexion du monde posé sans tenir compte de nos perceptions est une abstraction vide, sans intérêt pratique. Non, notre science n'est pas une illusion, mais ce serait une illusion de croire que nous pourrions recevoir d'ailleurs ce qu'elle ne peut nous donner ".
" Malaise dans la culture " (1929) est une nouvelle occasion pour Freud de confronter la psychanalyse au fonctionnement des organisations sociales. Il précise : " Je ne pourrais pas dire qu'une telle tentative de transférer la psychanalyse à la communauté de la culture serait insensée ou condamnée à la stérilité, mais il faudrait être très prudent, ne pas oublier qu'il ne s'agit pourtant que d'analogies et qu'il est dangereux, non seulement pour les humains, mais aussi pour les concepts, de les arracher à la sphère dans laquelle ils ont pris naissance et se sont développés ".
La vie culturelle est un effet de la confrontation au principe de réalité, mais aussi du conflit entre pulsions de vie et pulsions de mort. Eros reste une force pour contrebalancer les poussées agressives et destructrices : le lien social n'est solide que par la participation des affects de ceux qu'il relie.
Pour finir, néanmoins pessimiste, Freud prévient : " Faire l'évaluation de la culture humaine est, pour les motifs les plus divers, bien loin de ma pensée. Je me suis efforcé d'écarter de moi le préjugé enthousiaste voulant que notre culture soit le bien le plus précieux que nous possédions ou puissions acquérir et que sa voie ait à nous mener nécessairement à des sommets de perfection insoupçonnée ".
I.2 Les écoles britannique et italienne
A Londres, à partir des années 40, le Tavistock Institute inaugure une recherche systématique sur les institutions et les organisations à partir de la théorie et de la clinique psychanalytiques. Les manifestations de l'inconscient du groupe sont analysées. Une des découvertes, par exemple, concerne la propension du groupe à projeter ses peurs sur un ennemi extérieur et à s'organiser autour du danger potentiel qu'il représente (cf. supra). Le principal représentant de ce courant est Wilfred R. Bion, disciple de Mélanie Klein. Il affirme : " La problématique psychanalytique se répète dans l'individu, dans le couple et finalement dans le groupe, sur le plan intra- et extra-psychique " (" L'attention et l'interprétation ", Payot, 1974). C'est dans son ouvrage " Experiences in groups ", paru en 1961 (trad. fr. PUF, 1965), qu'il résumera l'essentiel de son expérience et de sa réflexion, notamment l'idée d'une hypothèse fondamentale, illusion ou fantasme partagé sur les se construit la cohésion d'un groupe (cf. " Les phénomènes de groupe ").
Parallèlement, en Italie, sous la férule de Claudio Neri (" Manuel de psychanalyse de groupe ", Dunod, 1997), comme en Grande Bretagne, différents psychanalystes inventent des concepts - pour décrire le groupe et son fonctionnement : réseau, présupposés fondateurs, champ d'interaction… - assez éloignés des concepts issus de la théorisation de la cure individuelle. C'est ce qu'ont voulu éviter les psychanalystes français.
I.3 L'expérience française
Jacques Lacan affirmait : " le nous est une résistance du sujet ", désignant par 'nous' le couple, la famille, le groupe, l'entreprise, la société …
La particularité psychanalytique française, depuis l'aventure de la société française de psychanalyse (SFP), en réaction à l'institution internationale officielle de l'après-guerre, sera la créativité et l'audace dans les prolongements de la psychanalyse dite classique et de la cure type (divan-fauteuil) : psychanalyse d'enfants et cure de psychotiques (Françoise Dolto, Gisela Pankoff, Maud Mannoni, Piera Aulagnier), interrogation du lien social dans ce qu'il est porteur de sens pour le sujet (Lacan et continuateurs) et recherches sur la dynamique inconsciente des groupes (Jean-Bertrand Pontalis, René Kaës, Didier Anzieu, …).
Dès les années 60, ces trois psychanalystes, plus quelques autres, ont réfléchi sur le groupe - " le groupe comme résistance à l'inconscient " écrit D. Anzieu, retrouvant l'idée de Lacan - s'inscrivant dans l'héritage freudien : " Le problème n'est pas de répéter ce qu'a trouvé Freud face à la crise de l'ère victorienne. Il est de trouver une réponse psychanalytique au malaise de l'homme dans notre civilisation présente… Un travail de type psychanalytique a à se faire là où surgit l'inconscient : debout, assis ou allongé ; individuellement, en groupe, ou dans une famille…, partout où un sujet peut laisser parler ses angoisses et ses fantasmes à quelqu'un supposé les entendre et apte à lui en rendre compte. " affirme D. Anzieu en 1975 dans " La psychanalyse encore ".
Les principaux concepts proposés par l'école française sont 'le soi de groupe', 'l'illusion groupale', les organisateurs fantasmatiques ou 'groupes internes', le 'corps imaginaire' comme organisateur du groupe large…
II. Présentation critique des pratiques existantes
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" La pratique analytique devrait être une pratique radicale, qui dénoue le système idéologique, mais aussi celui qui vient de l'inconscient, celui dans lequel nous vivons. Ce système est déterminé par la peur de l'homme de n'avoir pas de modèle. Dans la théorie analytique, cela s'appelle la peur de la castration. " Serge Leclaire (" Ecrits pour la psychanalyse ", Arcanes, 1996)
Parallèlement aux recherches théoriques, la psychanalyse a été mise en œuvre, de plusieurs façons, au sein des entreprises. En voici quelques exemples :
II.1 L'audit analytique
Cette pratique désigne l'intervention d'un psychanalyste dans une entreprise pour aider les membres de celle-ci, particulièrement ses dirigeants, à mieux cerner, à mieux comprendre quel en est l'imaginaire constituant : mythes fondateurs, interdits, ressorts cachés, vécus conflictuels, crises d'identité etc. Certains des intervenants, tel le français Eugène Enriquez, sont des psychanalystes praticiens, d'autres, comme Manfred Kets de Vries, enseignant à l'Insead, ont ajouté des éléments de la théorie psychanalytique à leur arsenal conceptuel. D'où les possibles dérives " psychologisantes ", tombant souvent dans les schémas catégoriels et typologiques (donc normatifs), que justement la psychanalyse vise à faire sauter. Ainsi, cette répartition1 (hybride2 et peu convaincante) des dirigeants en cinq types : le paranoïaque, le théâtral, le dépressif, le compulsif, le schizoïde, supposant que l'entreprise pourrait être malade de son chef … (ce qui est parfois vrai).
II.2 Les expériences en groupes (team-building)
A mi-chemin entre l'analyse de toute l'entreprise et celle du dirigeant, les expériences en groupes visent à faire saisir par le vécu, de l'intérieur, aux membres d'une équipe ou d'un service, les difficultés des relations internes au groupe du fait de pensées, de sentiments et d'émotions inconscients. La mise en lumière de ces forces souterraines et représentations sous-jacentes par le psychanalyste permet au groupe de les élaborer et de les faire siennes (introjection groupale). Au final, le groupe qui a réalisé ce travail durant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, ne dépense plus inutilement une grande part de son énergie à laisser dans l'ombre ses forces vives, mais au contraire à les utiliser, quelles qu'elles soient : agressivité, conflit, rivalité, attirance, compétition, solidarité…
Après ce travail en profondeur, le service retrouve une fluidité accrue dans les échanges entre les personnes ; les idées et les informations circulent, les projets avancent, le travail d'équipe se précise et s'enrichit, la qualité de vie dans l'entreprise se développe.
II.3 Le coaching psychanalytique
" Il y aurait cette nécessité pour le sujet de passer par l'autre pour avoir accès à sa vérité, et le manager n'échappe pas à cette loi. […] Le coaching psychanalytique aide le manager à savoir être et non à savoir paraître, il l'aide à intégrer un savoir faire dans un savoir être, il l'aide à savoir vivre …" Roland Brunner (6èmes journées de l'Institut Psychanalyse et Management, coaching et psychanalyse, 1996).
Roland Brunner explique que le face à face du psychanalyste et du manager se distingue de la cure psychanalytique traditionnelle, du fait que l'analyste n'interprétera ni le matériel inconscient fourni, ni le transfert3 du manager au coach.
Pourtant le transfert, même s'il n'est pas mis à jour, est moteur durant le temps de l'accompagnement et représente un des principaux ressorts de la transformation du manager : " Le transfert, par ses effets régressifs, met en route de la parole chez des sujets - les managers - qui ne parlent pas, habitués à être dans le discours, dans la langue de bois et dans la résistance ". Roland Brunner (9èmes journées de l'IPM, " Dépendances et non-dépendances psychologiques au sein des organisations ", 1999) .
En outre, même sans aller jusqu'à la profondeur de l'expérience de la cure psychanalytique, ce type de coaching offre à des êtres en quête d'eux-mêmes ou traversant une période de difficultés, un espace où peut se poser sans masque la question de leur désir. Cet espace d'écoute, de liberté du retour vers soi-même et d'ouverture est, de par son existence, à l'origine d'un changement intérieur chez le manager. Après quelques mois de coaching analytique, le manager n'est plus le même dans sa relation au travail, à l'entreprise, à ses collaborateurs, à lui-même.
Voici ce vers quoi tendrait l'accompagnement psychanalytique du manager :
" Le désir n'aura force de loi pour l'homme que du jour où renonçant à en être le maître, il ose y être sujet … tout comme un autre, sans honte, ni gloire. " François Perrier (" Structure hystérique et dialogue analytique ", La Chaussée d'Antin, 1978)
Pour autant, le développement de la contrainte aux résultats et l'hymne à la performance (cf. les 1ères assises du coaching, à Paris, en octobre 2001, sur le thème " coaching et performance "), par ailleurs lié à la mondialisation et ses avatars, laisse clairement penser que, sauf exception, il existe une antinomie désormais constitutive entre coaching et psychanalyse. Le premier forme, déforme, adapte et se doit à l'efficacité, à la mesurabilité de ses effets. La seconde déconstruit, défait, libère, subvertit, sans aucune recherche de résultat ou d'effet (prémédité ou recherché).
" Nous ne portons aucun jugement sur nos patients, ni pour les féliciter ni pour les condamner. Notre seul but avoué est de comprendre leur expérience psychique et de leur communiquer ce que nous croyons avoir compris, avec l'espoir qu'ils assumeront ensuite l'entière responsabilité de leurs choix et de leurs actes. " Joyce McDougall, " Eros aux mille et un visages ", Gallimard, 1996 (cf. aussi Julia Kristeva, " Au commencement était l'amour ", Hachette, 1985, et " L'avenir d'une révolte ", Calmann-Levy, 1998)
III. Cadre, limites et éthique
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III.1 Le cadre d'intervention
Toute mise en œuvre de la psychanalyse exige un certain nombre de contraintes qui protègent ceux qui choisissent d'y avoir recours :
- un espace clos, à l'abri de l'écoute et du regard extérieurs
- un espace neutre pour la personne ou le groupe
- des horaires limités et réguliers dans le temps
- aucun lien parental, amical ou hiérarchique avec le manager (patient)
- l'entière confidentialité du consultant psychanalyste (y compris vis à vis de la direction du personnel ou de la direction générale de l'entreprise qui le rémunère)
- la neutralité bienveillante du praticien (l'analyste ne donne pas de conseil, n'intervient pas dans la vie de ceux qui se confient à lui : il écoute ; si cela lui paraît nécessaire, il restitue ce qu'il entend sous forme d'hypothèse interprétative ou pose des questions pour aider la personne à préciser son propos)
Voici ce qu'affirme Serge Leclaire :
" La psychanalyse n'a ni droit ni qualité pour occuper la place de la fonction tierce. Ce serait perversion majeure et forfaiture. En revanche, le psychanalyste, par la méthode qu'il met en œuvre, se doit de tenir fermement ouverte, pour chacun qui s'adresse à lui, la possibilité de reconnaître et identifier les voix tierces et secondes dont la distinction est la condition nécessaire à ce qu'il parle véritablement en première personne. " (" Ecrits pour la psychanalyse ", Arcanes, 1996)
Plus clair et plus incisif encore, ce manifeste de Jean-Bertrand Pontalis (" La force d'attraction ", Seuil, 1990) : " La psychanalyse ne se déplace pas avec ses armes et bagages : c'est méconnaître sa fonction que d'appliquer ses concepts, que d'imposer ses grilles de lecture. Elle est un mouvement plus qu'une institution, plus même qu'une histoire : un mouvement qui, comme dans la cure, va par détours, inflexions, procède par spirales, connaît des butées et des avancées. "
III.2 Les limites d'une intervention psychanalytique en entreprise
J. Lacan était peu enclin à croire à l'existence de vérités et incitait ses patients ou ses élèves à " mi-dire " …
Même s'il est 'supposé savoir' par celle ou celui qui fait appel à lui, le psychanalyste ne sait rien. C'est de ce non-savoir, de son altérité, de sa radicale disparité subjective, que pourra naître, pour celui ou celle qui s'adresse à lui, un accès plus facile à sa " vérité " : à sa parole et à son désir4.
Tout le reste est arrangement, discours, semblant, si ce n'est mensonge.
Qu'un psychanalyste pose son regard sur son temps et prenne position, comme Freud le premier l'a fait, n'engage que lui en tant que citoyen et être humain.
Au-delà, il s'agit d'abus : le psychanalyste n'est pas un magicien, ce n'est pas un devin ou un voyant, ce n'est pas un savant, ce n'est pas non plus un chirurgien esthétique5.
Voilà pourquoi, de leur côté, et souvent avec juste raison, les sociologues préviennent du leurre que constitue la prétention de certaines méthodes inspirées de la théorie psychanalytique visant à ''changer l'entreprise''.
Une organisation se transforme au rythme de la transformation de chacun de ses membres, comme un corps vivant, avec le temps et souvent dans un processus qui échappe aux acteurs eux-mêmes.
III. 3 De l'éthique avant toutes choses
La psychanalyse est une pratique qui ne s'intéresse et ne tient qu'à l'humain, qu'à des facteurs, des processus et des mystères humains.
La psychanalyse est toujours un face à face, dans lequel l'autre - l'analysant - se révèle dans son absolue fragilité.
De là naît pour le psychanalyste une responsabilité première, intrinsèque, comme l'exprime le philosophe Emmanuel Lévinas : " la subjectivité n'est pas un pour soi, elle est initialement pour un autre. […] la relation intersubjective est une relation non symétrique. En ce sens, je suis responsable d'autrui sans en attendre la réciproque, dût-il m'en coûter la vie. La réciproque, c'est son affaire. " (" Ethique et infini ",1982)
Il ne peut donc y avoir de psychanalyse sans éthique, quelles qu'en soient les modalités concrètes, le fameux " cadre " notamment. L'éthique est l'essence même de la psychanalyse …
L'éthique " demande d'admettre l'évidence d'un être humain en devenir, et de prendre conscience que notre façon de le traiter engage notre rapport à la personne humaine toute entière, à la collectivité sociale en son ensemble et pour finir au genre humain lui-même. Il n'y a pas de jour, ni de limite, en deçà desquels tout serait permis à son égard. La morale ne ferme jamais. " (rapport du 'comité consultatif national d'éthique' sur le respect de la personne).
Saverio Tomasella (septembre 2001)
Notes : | HAUT
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1 Danny Miller, L'entreprise névrosée, McGraw-Hill, 1984
2 Des pathologies structurellement opposées - névroses et psychoses - côtoient des types caractérologiques flous.
3 " Pour S. Freud, le transfert est la réactualisation dans la cure psychanalytique, mais plus généralement dans le champ social, des positions infantiles du sujet vis-à-vis du psychanalyste et de toute personne faisant autorité pour le sujet. J. Lacan, reprenant l'hypothèse freudienne de façon plus abstraite, définit le transfert comme la propension à ce que le sujet mette l'autre (le psychanalyste, l'enseignant, le médecin, le chef, le prêtre, …) en position de sujet supposé savoir. "
Roland Brunner, IPM, 1999
4 " Le psychanalyste n'a rien à dire sur l'entreprise. Le psychanalyste n'est ni un réformateur du monde, ni un réformateur des organisations et des entreprises. La psychanalyse n'est pas un outil de gestion et il n'y aura jamais d'entreprise sur le divan. " (Roland Brunner, Personnel ANDCP n°375, décembre 1996)
5 " Je pense, quant à moi, que la relation à l'infini n'est pas un savoir mais un désir. J'ai essayé de décrire la différence du désir et du besoin par le fait que le désir ne peut être satisfait ; que le désir en quelque manière, se nourrit de ses propres faims et s'augmente de sa satisfaction ; que le désir est comme une pensée qui pense plus qu'elle ne pense, ou plus que ce qu'elle pense. "
(Emmanuel Lévinas, Ethique et infini, Fayard, 1982)
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