Je remercie mes collègues de l’Université de Ouagadougou de l’honneur qu’ils me font à parler aujourd’hui en ces lieux. Je remercie également Madame Samba, directrice du Samu Social Burkina Fasso, d’avoir aidé à la tenue de cette conférence, je salue chaleureusement les nombreux étudiants, nos futurs collègues, ici présents.
J'ajoute à mes remerciements ma reconnaissance pour l'UNICEF qui a pris en charge cette session de formation des agents du Samu Social Burkina Fasso. En effet, cette conférence est aussi un temps de formation des agents de ce Samu et je salue amicalement leur présence en cette salle
C’est bien évidemment à partir de ma pratique clinique auprès de 3 samu sociaux africains que je vais parler : outre celui de Ouagadougou, celui situé à Bamako, chez vos voisins maliens et celui de Pointe-Noire, au Congo. J’exprime ici toute ma gratitude au Docteur X. Emmanuelli, fondateur et président du Samu Social International, qui m’a permis de travailler sur ces projets Samu dès l’été 2000..
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Dès que l’on compare différentes villes d’Europe, d’Asie ou d’Afrique le phénomène d’enfants marginalisés et en danger apparaît comme une réalité globale.
L’exclusion est un phénomène structural qui va de pair avec le développement économique et l’entrée de la plupart des pays du Monde dans l’économie de marché. En ce sens elle nécessite des analyses nouvelles et des savoirs faire nouveaux dès que nous sommes concernées par des situations de danger d’enfants ou d’adolescents jetés à la rue. En effet, cette situation globale du processus d’exclusion affecte de plus en plus gravement les sujets de la génération qui vient, à savoir les enfants. De sorte que l’exclusion sociale et économique se redouble d’une exclusion de nombreux jeunes de la transmission dans le fil des générations de la vie sociale et culturelle. L’exclusion aujourd’hui n’est plus une exception, il y a une massification de jeunes qui ne rentrent plus dans le pacte social entre les hommes et les femmes, entre les parents et les enfants, entre les ancêtres et les vivants.
Cette réalité nous impose des réponses. Nous avons tous le devoir d’accueillir la génération qui vient. Or de nombreux enfants, qui sont notre futur donc, sont en danger dans des conditions d’exclusion assez inédites. Est-il besoin de souligner qu’un jeune exposé à la vie dans la rue est en danger, en danger dans son identité, dans son équilibre psycho-affectif ?
Il faut savoir connaître ces dangers, les diagnostiquer, y porter remède. Ce qui impose de développer des savoir-faire, ce qui impose aussi de définir des repères qui aident à la relation de soin physique et psychique avec ces jeunes. Car ni le bon sens, ni la bonne volonté, ni les meilleurs des sentiments ne suffisent. La vie dangereuse dans la rue modèle des comportements, plus profondément elle met en forme des processus psychiques particuliers qui aident à la survie parfois mais au pli de clivages, de dénis et de retraits psychiques exténuants. Face à des sujets aussi démunis, aussi peu assurés du sentiment de se sentir réels , aussi mal accueillis dans la vie, nous devons faire montre d’un patient savoir-faire, nous avons à inventer et à mettre à l’épreuve de l’action une approche clinique. Les savoirs psychologiques et psychopathologiques nous y aident, à mesure, toutefois qu’ils se trouvent questionnés, qu’ils rencontrent la limite de leur extension et de leurs articulations internes. Bon je suis scientifique, je n’ai cure d’inventer du concept pour faire joli, par goût de l’originalité. Au contraire, c’est bien en forçant les savoirs, en situant là où ils ne répondent plus très bien, qu’il est nécessaire de se résigner à inventer des nouveaux termes plus aptes à décrire les faits et à permettre l’action. J’y reviendrai à la fin de ma conférence.
Des jeunes en danger donc. Il y a en effet différents types de dangers, et les plus immédiatement repérables sont ceux qui mettent le corps du jeune en danger et qui congédient de l’usage que le jeune fait de son corps les savoirs communs nécessaires à la survie. :
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Les drogues qui attaquent la perception des corps, les enfants deviennent insensibles à la douleur, ils peuvent se noyer dans un vécu océanique où ils se confondent avec l’environnement immédiat ou, au contraire, se sentir dans une extrême solidité et toute puissance de leur corps. Il va sans dire que l’une ou l’autre de ses illusions entraîne un usage périlleux de l’espace, le jeune ne sentant plus la résistance que peuvent lui opposer des obstacles, d’autres corps, ne calculant plus la vitesse de déplacement des véhicules qui l’environnent, et de façon plus générale ne se repérant presque plus dans les coordonnées spatio-temporelles du lieu où il est situé.
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Hygiène précaire
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Alimentation, mauvaise l’enfant se nourrit de restes, de ce qui chute des étals du marché. Il se nourrit de ce qui n’est pas pris dans les échanges de l’offre et de la demande, de ce qui ne se signifie pas dans les rets du jeu social. On voit à ce moment-là, qu’au-delà des questions d’hygiène que je ne cherche pas à minimiser, c’est aussi à travers ces conduites alimentaires, toute une déperdition du sens humain de l’alimentation qui se met en place.
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Il faut aussi noter les particularités de la vie sexuelle de nombre de ces jeunes. Il existe une sexualité dans les groupes de jeunes en errance, et c’est une réalité difficile à admettre et longtemps passée inaperçue. Les enfants en parlent peu tant cela va contre certains tabous sociaux et culturels et tant cela dépasse aussi – et c’est plus important- leur propre capacité de représentation de leur corps. La sexualité peut être utilisée comme un moyen de sujétion et de contrôle des aînés « protecteurs » sur les plus jeunes. De plus, à l’adolescence, certains jeunes, surtout des filles, ne disposent pas d’un savoir et d’une image de leur corps qui les rend apte à « métaboliser » les irruptions pubertaires. Leur sexualité devient alors souvent une conduite stéréotypée et à risque qui a pour but de calmer, par la répétition de l’acte sexuel, ce traumatisme que peut représenter l’irruption dans leur corps de la sexualité génitale. On rencontre là un paradoxe fréquent chez ces jeunes exclus des discours partagés et privés des possibilités identificatoires qu’offrent de tels discours : ils soignent leur anxiété par de l’agir. Ce point est important à connaître pour quiconque prétend travailler dans la prévention et/ou l’accompagnement psycho-éducatif avec de jeunes adolescents et adolescentes. C’est ce que nous avons commencé à analyser dans notre travail à Bamako auprès des « maraudes-filles » avec l’équipe du Samu Social Mali et ma camarade de mission Valérie Lavergne dont je salue la présence parmi nous.
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Par
Olivier Douville
Psychanalyste et Maître de conférence
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